Dans ce voyage maritime, on plonge à l'horizontal pour franchir le "mur du sens". La ligne d'horizon tremble. Le dessous de la mer se mêle au dessus : la mort dans la vie et la vie dans la mort, tel une mer primitive que chacun de nous contiendrait. Il est question de franchir la frontière des séparations, de rendre visible l’invisible... laisser les voiles se gonfler, percuter les vagues, tenir la barre, pour aller là où on ne serait pas aller, là où les mots ne suffisent plus pour dire.
Et puis les rochers, le brouillard, la crique, l’écume, et cette haute mer au loin, de plus en plus proche, parce que oui, le bateau ne fait que d’avancer. Et puis cette pluie comme si la mer et le ciel s‘épousaient, le noir des vagues et le blanc des vagues, comme si l’Un et l’Autre dans leur séparation se rejoignaient.
Est-ce le souvenir de celui qui a disparu en mer? Le souvenir de celui qui a rejoint le rivage? Ou est-ce au final une seule et même personne, qui contiendrait la dualité de chaque être vivant dans son désir de mort et son désir de vie?
Dans ce chef d’œuvre ultime de Jon Fosse, qui a reçu le Prix Nobel de littérature en 2023, la scène devient un voyage maritime. Oui, « tout y est imaginaire », nous dit-il. Lieu d’incarnation de vision, où chaque spectateur est invité à naviguer là où le vent le porte.